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 dans Verbum Legale

La représentation est une faveur accordée par la loi, en vertu de laquelle un parent est appelé à recueillir une succession qu’aurait recueillie son ascendant, parent moins éloigné du défunt, qui, étant indigne, prédécédé ou décédé au même instant que lui, ne peut la recueillir lui-même[1].

La représentation joue, entres autres, en faveur des descendants.

En ligne directe descendante, l’article 661, al. 2 C.c.Q. établit que la représentation est admise dans l’un des cas suivants :

  • les enfants du défunt concourent avec les descendants d’un enfant représenté;
  • tous les enfants du défunt sont décédés ou indignes et leurs descendants se trouvent, entre eux, en degrés égaux ou en degrés inégaux.

À la lumière des différentes hypothèses prévues par le deuxième alinéa de l’article 661 du Code civil, la doctrine[2] soulève qu’il existe une nuance importante quant aux deux types de représentation pouvant avoir lieu dans le cadre d’une succession, soit :

  • la représentation aux fins de succéder; et
  • la représentation aux fins de partager.

Représentation aux fins de succéder

Dans le cadre d’une succession ab intestat, les descendants du défunt ainsi que le conjoint survivant, le cas échéant, sont les successibles de premier ordre[3].

En raison du principe de la proximité des degrés, la représentation aux fins de succéder est toutefois nécessaire pour permettre à un descendant de succéder, lorsqu’un autre descendant occupe un degré supérieur. En effet, en vertu de l’article 661 C.c.Q., la représentation en ligne directe descendante a lieu de façon infinie et est notamment admise lorsque les enfants du défunt concourent avec les descendants d’un enfant représenté.

Voici un exemple pour mieux comprendre cette notion de « représentation aux fins de succéder » :

La défunte Aline a eu une fille Béatrice ainsi qu’un fils Charles. Or, Charles est prédécédé et a laissé ses enfants, Denise et Élisabeth. Normalement, le principe de la proximité des degrés ferait en sorte que Béatrice reçoive la totalité de la succession étant donné qu’elle occupe le premier degré, alors que Denise et Élisabeth n’occupent que le deuxième degré[4].

Cependant, la représentation écarte ce principe, puisqu’elle s’applique notamment lorsque « les enfants du défunt (ici Béatrice) concourent avec les descendants d’un enfant représenté (ici Denise et Élisabeth)[5] ». Ainsi, la représentation permet à Denise et Élisabeth d’être appelées à la succession d’Aline. Le partage s’opère alors par souche de la façon suivante :

  • Béatrice, descendant au premier degré, reçoit la 1/2 de la succession;
  • Denise et Élisabeth se partagent l’autre 1/2 de la succession, ayant ainsi 1/4 chacune.

Par ailleurs, l’article 661, al. 2 C.c.Q. s’applique aussi lorsque tous les enfants du défunt sont décédés ou indignes et que ces derniers ont des descendants se trouvant, entre eux, à des degrés égaux ou inégaux.

Voici un exemple d’une succession où la représentation s’applique aux descendants des enfants du défunt lorsque ces derniers se trouvent à des degrés inégaux :

Le défunt Henri a eu deux enfants, Marc et Ginette, lesquels sont toutefois prédécédés avant leur père. Marc a eu lui-même trois enfants (William, Xavier et Zoé), alors que Ginette a eu une seule fille, Nadia, laquelle est aussi prédécédée. Toutefois, Nadia a eu un fils, Jérôme.

Étant donné que la représentation écarte le principe de la proximité des degrés et qu’il y a alors partage par souche, les successibles du défunt Henri sont donc :

  • d’une part, provenant de la souche de Marc, les trois petits-enfants du défunt, William, Xavier et Zoé, lesquels sont au deuxième degré. Ces trois successibles se partagent la moitié de la succession, soit 1/6 chacun; et
  • d’autre part, provenant de la souche de Ginette, l’arrière-petit-fils du défunt, Jérôme, lequel se trouve au troisième degré. Celui-ci reçoit la 1/2 de la succession.

Représentation aux fins de partager

Dans certaines circonstances, un descendant pourrait venir à la succession de son ascendant, sans qu’il soit nécessaire d’appliquer le mécanisme de la représentation, et ce, en raison du principe de la proximité des degrés.

Par exemple, Albert est veuf et père de deux enfants, Benoit et Catherine. Cependant, ces derniers sont prédécédés. Benoit a laissé un enfant unique, David, alors que Catherine a laissé deux enfants, Élise et François.

Même si le mécanisme de la représentation n’existait pas, les trois petits-enfants d’Albert (David, Élise et François) lui succéderaient, étant donné qu’aucun autre descendant n’occupe un degré supérieur au leur[6].

En principe, lorsque les descendants du défunt sont tous au même degré et appelés de leur chef, le partage de la succession se fait en portions égales et par tête[7]. L’application de cette règle dans l’exemple précédent donnerait donc le résultat suivant : 1/3 pour David, 1/3 pour Élise et 1/3 pour François. Elle aurait donc comme conséquence d’avantager Élise et François au détriment de David, lequel aurait possiblement obtenu davantage si normalement son père Benoit n’était pas prédécédé.

Pour corriger cette inégalité, le Code civil du Québec prévoit donc que, dans de telles circonstances, il y a lieu d’appliquer la représentation. En effet, l’article 661, al. 2 C.c.Q. prévoit que la représentation est admise lorsque tous les enfants du défunt sont décédés ou indignes et leurs descendants se trouvent, entre eux, en degrés égaux ou en degrés inégaux. De plus, il faut alors effectuer le partage par souche, plutôt que le partage par tête, ce qui signifie que les petits-enfants doivent se partager la part de leur ascendant respectif. On parle alors de la représentation aux fins de partager.

Ainsi, lorsqu’on applique la représentation et le partage par souche au même exemple, on obtient le résultat suivant :

  • Benoit aurait reçu la 1/2 de la succession : son enfant unique David reçoit donc cette moitié;
  • Catherine aurait reçu la 1/2 de la succession : ses enfants reçoivent donc 1/4 chacun (1/4 pour Élise et 1/4 pour François).

Conclusion

Il est important d’appliquer les règles en matière de dévolution légale pour éviter qu’un héritier soit privé de sa part d’une succession ou qu’il ne reçoive pas ce que la loi lui accorde.

  1. Art. 660C.c.Q.
  2. Jacques BEAULNE, Droit des successions (d’après l’oeuvre originale de Germain Brière), mis à jour par Christine MORIN, 5eéd., « coll. Bleue », Montréal, Wilson & Lafleur, 2016, no530 et s.
  3. Art. 666 à 669 C.c.Q.
  4. art. 656 à 658 C.c.Q.
  5. art. 661, al. 2 C.c.Q.
  6. Art. 666 à 669 C.c.Q.
  7. Art. 668, al. 1 C.c.Q.
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